Allégorie relative à la guerre de Savoie : Henri IV et Louis XIII en Hercule – Bataille…Linard Gontier
Allégorie relative à la guerre de Savoie : Henri IV et Louis XIII en Hercule – Bataille d’Ivry
Linard Gontier (Troyes, 1565 – Troyes, vers 1642)
Inv. P. 67.29.1
Vers 1623-1624
Plume, encre de bistre sur traces de pierre noire, encadrement à la pierre noire,
papier vergé beige-gris ; Dessin à double face composé de deux morceaux de papier
H. 49 ; L. 51,2 cm
Inscription effacée, en bas, au recto ; dessin légendé à l’encre au verso
Acquis par la Société des amis du château de Pau.
Don de la société au musée national (25 août 1967).
Albert Babeau, « Linard Gontier et ses fils, peintres verriers », Annuaire administratif, statistique et commercial du département de l’Aube, 1888, p. 115-117, 134-136.
« Débats autour d’un dessin » : Général Jacques Humbert, « Le dessin semble avoir
été exécuté au lendemain de l’entrée triomphante à Lyon de Louis XIII », Roger Trinquet,
« L’allégorie politique au temps d’Henri IV », Bulletin de la Société des amis du château de Pau, no 35, 1967-3.
Notice d’acquisition, Gazette des beaux-arts, mars 1968, suppl, p. 2.
Juliette Rigal, « Le château de Pau conserve deux cartons de Linard Gontier pour des
vitraux de l’hôtel de l’Arquebuse à Troyes », Bulletin de la Société des amis du château de Pau, no 60, 1973-4.
Nicole Hany, « Linard Gontier et ses fils, peintres-verriers », Extraits des mémoires de la Société académique de l’Aube, t. CVIII, 1974-1977, p. 179-181, 183.
Juliette Rigal, « Deux dessins de Linard Gontier pour les vitraux de l’Hôtel de l’Arquebuse
de Troyes », Revue du Louvre, 1977-2.
Nicole Hany, « Linard Gontier, peintre-verrier troyen (1565 – après 1642). Sa vie
et l’œuvre de son atelier », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1979, p. 53, et 60 note 13.
Cat. exp. Pau 2007 Avec Panache, dessins des collections du château de Pau, cat. exp. (Pau, musée national du Château, 23 novembre 2007 – 24 février 2008),
Paris, Réunion des musées nationaux, 2007, p. 18-22.
Pau & Paris 1989-1990, no 457.
Pau 1990, no 21.
Pau 2007, no 33.
Projets de cartons pour les vitraux de la grande salle de réunion de l’hôtel construit
à Troyes en 1620 par la compagnie des Arquebusiers avec l’aide du duc de Réthelois.
Aujourd’hui conservées à la bibliothèque municipale de la ville, « ces charmantes
miniatures sur verre peintes [étaient] destinées, comme l’écrit Nicole Hany, à glorifier
la royauté ». L’ensemble remonte aux années 1621 à 1624 portées sur certaines pièces,
et sa valeur esthétique tient avant tout à son goût décoratif. Depuis la fin du xviie siècle, une tradition parfaitement digne de foi, quoique privée de toute base documentaire,
l’attribue au peintre verrier Linard Gontier (suivi sans doute dans plusieurs cas
par ses fils ou ses élèves), dont l’atelier marque le dernier apogée de cet art dans
une ville où il était traditionnellement cultivé. Si quatre panneaux rappellent l’entrée
d’Henri IV dans la ville de Troyes en 1595, mariant le dévouement dynastique à la
fierté locale, les grands traits d’une histoire militaire glorieuse dominent le cycle,
tiré pour l’essentiel d’estampes des règnes d’Henri IV et de Louis XIII.
Si, dans ces scènes historiques, Gontier ne surprend pas, le montage mythologique
associant deux Hercule y représente la seule allégorie à grand développement et, de
plus, la seule association des deux rois, des deux règnes qu’il était convenu d’exalter.
Dans la précision du dessin et dans la fidélité du vitrail aux données qui s’y trouvent
réunies, le verso offre un aperçu détaillé du combat d’Ivry qui ne prête guère à la
discussion. Celle-ci concerne plutôt le recto, plus riche et plus obscur, et de surcroît
beaucoup plus fluctuant quant à la version définitivement retenue par le vitrail.
Sur ce dernier, le regard du jeune Hercule a changé de direction, l’arrière-plan s’est
transformé, on distingue même d’importantes retouches (comme sur le visage du Béarnais)
et l’on a corrigé les maladresses les plus spectaculaires, comme l’allongement (particulièrement
inharmonieux) du bras d’Henri IV. Un article de Juliette Rigal, en 1977, a fait le
point sur les sources iconographiques ; cette importante recherche recevra ici quelques
compléments et nuances autorisés par le temps.
Henri IV en Hercule tient une massue et brandit une couronne, foulant aux pieds un
centaure. Jeune Hercule adolescent, lauré, vêtu lui aussi de la dépouille du lion
de Némée, levant la main gauche en signe d’acquiescement et foulant aux pieds un lion,
Louis XIII vient compléter la composition. Des opérations furent lancées en août 1600
contre le duc Charles Emmanuel de Savoie par Henri IV lui-même, aidé de Biron et Lesdiguières.
Bourg-en-Bresse, Chambéry furent enlevés dans le mois, le château de Montmélian en
novembre ; le traité de Lyon, en janvier suivant, consacrait la victoire du Bourbon,
bientôt relayée par l’art de la médaille. Après le grand médaillon de Nicolas Guinier
en 160111. Mazerolle 1902-1904, t. II, nos 725-728, p. 60, repr. t. III, pl. XXXIV ; Babelon 1927, p. 125-126. (Henri sous les traits de Mars combat victorieusement un centaure), Philippe Danfrie
en 1602 corrigeait et précisait le montage mythologique et politique22. Mazerolle 1902-1904, t. II, no 282, p. 60, repr. t III, pl. XVII ; Babelon 1927, p. 125 ; Vivanti 1967, p. 184 ;
Bardon 1974, p. 167. : à l’avers de sa médaille, Henri-Hercule en buste, vêtu de la peau du lion de Némée,
et la devise Alcides-hic-novus-orbi ; au revers, le héros tenant levée sa massue, une couronne royale dans la main, terrassant
un centaure, le tout portant la devise opportunius (fig. 28 a) : c’est la célèbre réponse à l’outrecuidance de ce prince transalpin
qui, bravant la couronne de France et profitant des troubles civils en 1588, s’était
jeté sur le marquisat de Saluces et faisait alors frapper ses propres médailles :
un centaure foulant aux pieds une couronne et la devise opportune. L’idée vient de Sully, qui n’a pas manqué de s’en prévaloir. L’inscription placée
au bas du vitrail : opportunius- D’un-bon-pere-naist-lenfant-triomphant, ne laisse plus aucun doute sur la source d’inspiration – ni sur le curieux « Hercule
en second », qui ne peut être que Louis XIII.
La symbolique herculéenne, particulièrement à l’honneur sous Henri IV, s’attache aussi
à son fils dès ses plus jeunes années. À la fin de l’année 1622, vainqueur des huguenots,
il impose l’édit de Montpellier le 18 octobre, entre triomphalement à Aix, à Avignon
(où il rencontre le duc de Savoie), à Lyon le 6 décembre pour une véritable apothéose
triomphale. Dans ces entrées, comme dans les médailles commémoratives, la référence
au héros est toujours très vivante. Il n’y a de réelle concurrence qu’avec l’éclosion
de la thématique solaire, par exemple dans le livret de l’entrée à Lyon qui reçut
un titre évocateur : Le Soleil au signe du Lyon (Lyon, Jean Jullieron, 1623). Le lion, symbole traditionnel de la ville, incarnerait
les liens privilégiés qui l’unissent au jeune souverain depuis la rencontre de ses
parents, qui l’y conçurent, faisant de lui un vrai Lyonnais ! Lyonnais ou non, les
Hercule-Louis XIII accompagnés d’un lion fidèle ou terrassé ne sont pas rares, et
Linard Gontier n’aura eu qu’à puiser dans ce répertoire, selon une méthode plus régulière
qu’imaginative consistant à faire entièrement reposer l’iconographie de ses sujets
sur des émissions d’estampes et de médailles déjà consacrées par une bonne diffusion.
Le célèbre épisode placé au verso apporte confirmation de ce mode de composition parfois
étrange dans son archaïsme et dans la résurgence d’événements parfois fort éloignés.
La bataille d’Ivry, qui occupe le revers de notre dessin, serait ainsi à comparer
avec une suite de deux gravures de François Hogenberg consacrée au sujet (Pau, musée
national du Château, inv. P. 64.19.5) : L’Ordonnance de la bataille d’Ivry (fig. 28 b) et La Retraite du duc du Maine de la ville de Dreux (fig. 28 c), au moins à l’étape de la documentation du travail. Les analogies qui
concernent la rivière, les villages sont saisissantes. Du point de vue de l’animation
de la scène, le dessin de Gontier se situe à égale distance des deux gravures : entre
les toutes premières escarmouches et l’accomplissement de la victoire, on assiste
au point précis d’un renversement dont le caractère historique est déjà bien connu ;
un habile compromis entre le plan de bataille et la narration de l’action héroïque
mettant en lumière « le Roy », s’élançant sur son cheval. Quant au vitrail correspondant, ses dimensions, modestes,
sont fort proches de celles du dessin (52 x 52 cm avec le plomb) ; il est de plus
légendé des mêmes inscriptions (à quelques légères nuances près) signalant la position
de chacun des corps de troupe. Le dessin est à grandeur d’exécution, il est complet,
à la différence du vitrail, affecté de nombreuses lacunes, et les inscriptions ne
laissent d’incertitude sur aucun des motifs, aucun des groupes représentés. Le village
d’Ivry apparaît en haut à gauche, la ville de Dreux à droite ; au premier plan et
à gauche, le paysage décrit église, maisons, villages, rivière. Les groupes ont tendance
à s’éparPiller sur le pourtour et sur la colline du fond (hommes de Mr de Gyvry, de Mr le Baron de Biron, Suisses, lanciers et cavaliers), la disposition en ordre de bataille fait apparaître le système militaire en usage.
Aux retouches portées aux légendes, aux différences de caractères (minuscules dans
le dessin, majuscules dans le vitrail), on comprend qu’il s’agit d’une étude inconnue
en 1888 d’Albert Babeau, ce qui justifie l’emploi de la même feuille pour les deux
scènes et le tour elliptique de certains passages.
Artistes cités : Danfrie (Philippe) ; Guinier (Nicolas) ; Hogenberg (François)
Techniques associées : Estampe, illustration ; médaille ; vitrail
Types de représentation : Allégorie ; scènes historiques, légendaires ou imaginaires
Fait de la vie d’Henri IV : bataille, Ivry
Personnages contemporains ou proches d’Henri IV :
Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie (château de Rivoli, 1562 – Savillan, 1630)
; Louis XIII, roi de France et de Navarre (Fontainebleau, 1601 – Saint-Germain-en-Laye,
1643)
Index géographique et monumental : Autres lieux → Ivry, Lyon, TroyesMonuments → Autres monuments
Index des sources : Mythologie
Étapes de publication :
P. Mironneau, Cl. Menges, 11 décembre 2007, rédaction de la notice pour première publication.
Pour citer cet article :
P. Mironneau, Cl. Menges, « Allégorie relative à la guerre de Savoie : Henri IV et Louis XIII en Hercule – Bataille
d’Ivry » dans Catalogue des dessins musée national du château de Pau, mis en ligne le 11 décembre 2007. https://dessinsdepau.fr/notice/notice.php?id=28
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