Paul Mironneau et Claude Menges-Mironneau
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Henri IV rencontrant Sully blessé
François André Vincent

Illustrations de comparaison
FIG. 55 a. Manufacture des Gobelins, d’après François André Vincent. Henri IV rencontrant Sully blessé, vers 1805-1815. Soie, laine. Pau, musée national du Château, inv. P. 142
FIG. 55 b. François André Vincent. Henri IV rencontrant Sully blessé. Huile sur toile. Fontainebleau, musée national du Château, inv. 8457, MR 2690
FIG. 55 c. Michel Olivier Lebas (1783-1843). Henri IV rencontrant Sully blessé. Salon de 1787. Landon 1833, pl. 82
FIG. 55 d. François André Vincent. Henri IV rencontrant Sully blessé. Huile sur toile. Pau, musée national du Château, inv. P. 84.7.1
FIG. 55 e. François André Vincent. Henri IV rencontrant Sully blessé [D1]. Plume, lavis d’encre brune, préparation à la sanguine sur papier blanc. Collection particulière
Historique

Vente publique, Paris, Drouot, 21 juin 1993, C. P. Millon et Robert.
Acquis sur le marché de l’art parisien en novembre 1994 (arrêté du 18 novembre 1994).

Bibliographie

Charles Gaultier, La Vie d’Henri IV d’après François-André Vincent dans les collections du Musée national du château de Pau, mémoire dactylographié de DEA, université Michel de Montaigne – Bordeaux III, 1994, p. 70-71.
Paul Mironneau, Musée national du château de Pau. Guide, Paris, Réunion des musées nationaux, 1996, p. 70-73.
Laurent Avezou, Sully à travers l’histoire, Paris, École des chartes, 2001 (« Mémoires et documents de l’École des chartes », 58), p. 323-324.
Paul Mironneau, Album. Musée national du château de Pau, Paris, Réunion des musées nationaux, 2003, p. 98.
Pour l’Histoire de Henri IV par Vincent, dans son ensemble : in Musée national du château de Pau. Quinze années d’acquisitions 1970-1984, cat. exp. (Pau, musée national du Château, 1985), Paris, Réunion des musées nationaux, 1985, no 10.
François Pupil, Le Style troubadour ou la nostalgie du bon vieux temps, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1985, p. 369-373.
À travers les collections du Mobilier national : xvie-xxe siècle, cat. exp. (Beauvais, galerie nationale de la Tapisserie, 20 avril – 29 octobre 2000), Paris, Centre national des arts plastiques, 2000, nos 30-31 (notice de Jean-Pierre Samoyault).
Cat. exp. Pau 2007 Avec Panache, dessins des collections du château de Pau, cat. exp. (Pau, musée national du Château, 23 novembre 2007 – 24 février 2008), Paris, Réunion des musées nationaux, 2007, p. 6-7.

Exposition

New York 1994, no 24.
Pau 1995.
Pau 2007, no 52.

Observations

À l’occasion de son voyage en France en 1782, le grand-duc Paul, comte du Nord, futur tsar Paul Ier, reçut de somptueux présents contribuant à entretenir le rayonnement artistique de la France. Un important cadeau diplomatique devait encore faire suite à cette visite. Angiviller, directeur des Bâtiments du roi, et Pierre, Premier peintre de Louis XVI, se mirent d’accord sur le nom de François André Vincent pour les cartons de tapisserie destinés à la manufacture des Gobelins11. Fenaille 1907, xviiie siècle, 2e partie, p. 354-361. qui furent exécutés entre 1783 et 1785 (Henri IV qui envoie des vivres à Paris pendant le siège, Henri IV qui relève Sully prosterné à ses pieds, Henri IV rencontrant Sully blessé et Henri IV soupant chez le meunier Michaud). Ils s’inspiraient de La Henriade de Voltaire (première tapisserie), de La Partie de chasse de Henri IV de Collé (deuxième et quatrième tapisseries) et des Mémoires de Sully (troisième tapisserie, fig. 55 a). S’y ajoutèrent deux autres commandes, livrées en 1787 : Adieux d’Henri IV et de la Belle Gabrielle (toujours d’après La Henriade) et Discours d’Henri IV à la Belle Gabrielle, au sujet de l’estime et de l’amitié qu’il témoigne à Sully (de nouveau d’après les Mémoires de Sully).
L’artiste manifesta un goût tout particulier pour la scène de la rencontre avec Sully, citée dans l’avertissement placé en tête du catalogue de la vente Vincent de 1816 comme l’une de ses compositions les plus appréciées avec Le Président Molé saisi par les factieux, Aria et Pœtus, Guillaume Tell ou Pyrrhus à la cour de Glaucias22. Vente Vincent, Paris, 17 octobre 1816, « Avis », p. III.. Vincent devait d’ailleurs en donner plusieurs versions successives, outre le carton de tapisserie qu’il faut sans doute dater de 1784 (fig. 55 b) et qui se trouve exposé au salon Saint-Louis du château de Fontainebleau33. Huile sur toile, 142 x 142 cm, inv. 8457, MR 2690, déposé au château de Fontainebleau en 1836 ; Engerand 1901, p. 522-523 ; cat. exp. Pau 1985, no 10, p. 43 et note 7.. Une toile aujourd’hui perdue fut en effet envoyée au Salon de 1785 (no 67), une autre toile à celui de 1787 (no 23). Cette dernière, plus petite que la précédente, était destinée au comte d’Orsay, qui, par sa mère, Marie-Antoinette de Caulaincourt, se rattachait à Sully. Parvenue au musée des Beaux-Arts d’Amiens, elle y fut détruite dans l’incendie qui ravagea cet établissement en 191844. Huile sur toile, 242 x 193 cm, datée et signée en bas à gauche : Vincent 1786, inv. 8456, dépôt de l’État en 1864 ; Brière 1924, no 294. ; la gravure de Lebas pour les Annales de Landon55. Landon 1833, t. II, p. 146-147, pl. 82. en donne une représentation abrégée (fig. 55 c). L’esquisse peinte de petites dimensions acquise par le musée national du Château de Pau en 198466. Huile sur toile, 53,5 x 39 cm, inv. P. 84.7.1 ; cat. exp. Pau 1985, no 10, p. 43-45, et Paris 1986-1987, no 335. (fig. 55 d), un dessin à la plume appartenant à une collection particulière77. Plume, lavis d’encre brune, préparation à la sanguine sur papier blanc, 49 x 33,2 cm ; Paris 1986-1987, no 336 ; Cuzin 1988, no 44. Nous le désignerons par le sigle D1. (fig. 55 e), enfin le dessin dont il est ici question88. Nous le désignerons par le sigle D2., plus grand et plus dépouillé de détails historiques et pittoresques, survivent de la préparation et de l’accompagnement de ces développements successifs.
Le point de départ de ce grossissement biographique imagé doit être recherché dans le succès, au siècle des Lumières, des Œconomies royales de Sully, ou plutôt dans leur réécriture sous forme de Mémoires en 1745 par l’abbé de L’Écluse des Loges et dans les nombreuses rééditions (1747, 1752, 1763, 1767, 1778, 1788) de cet ouvrage qui prétend procéder à la remise en valeur d’un contenu moral et politique de premier plan… C’est à cette version très arrangée que font référence les livrets des Salons de 1785 et 1787. Il convient de citer le passage – bien que certains détails de la tapisserie, comme les croix de Lorraine sur les casaques des ennemis disposées sur la litière, ne figurent explicitement que dans les versions antérieures et plus authentiques du texte de Sully. Peu après la bataille d’Ivry (14 mars 1590), le ministre blessé, cherchant à gagner Rosny escorté de ses serviteurs et de ses prisonniers, de sa compagnie de gendarmes et de deux compagnies d’arquebusiers, tombe sur le roi, parti chasser dans ces parages sitôt après la victoire, et qui, retrouvant son ami, le réconforte en ces termes :[…]. Le Roy s’approcha de mon brancard et ne dédaigna pas à la vüe de toute sa Suite de descendre à tous les témoignages de sensibilité, qu’un ami, s’il m’est permis de me servir de ce terme, pourroit rendre à son ami […] : et sans me laisser le temps de lui répondre, il s’éloigna en me disant : « Adieu, mon ami, portez-vous bien, et soyez sûr que vous avez un bon Maître » 9 !

Il est malaisé, et sans doute prématuré, de formuler des propositions de classement rapprochant les différentes versions du sujet et leurs états préparatoires. Pour Jean-Pierre Cuzin, l’esquisse est à mettre en relation avec le tableau présenté au Salon de 1787, et le dessin [D1] avec cette dernière peinture ou encore avec celle, perdue, exposée en 17851010. Cuzin 1988, no 44, et Cuzin 1986, p. 38-39, 43.. Pour Jacques Perot, le dessin [D1] vient après l’esquisse du musée national du Château de Pau et avant le carton exposé à Fontainebleau1111. Cat. exp. Pau 1985, no 10, p. 43-45.. Dans un travail universitaire présenté en 1994, Charles Gaultier reprend cet ordre et mentionne le dessin [D2] comme nouvelle pièce à verser au dossier ; il précéderait, selon lui, l’ensemble des autres représentations. Certaines similitudes de gestes ont été observées en considérant d’autres scènes, ainsi en particulier une étude d’homme debout pour Auguste et Cinna (Salon de 1787)1212. New York, Metropolitan Museum, legs Walter C. Baker, inv. 1972.118.236, longtemps attribué à David ; Cuzin 1988, no 47.. Ici, la sobriété domine : le roi n’a pas chaussé ses bottes, peu de personnages, fort peu d’accessoires. Certains détails disparaissent cependant dans d’autres versions, ainsi le cor de chasse, qui rappelle les circonstances de la rencontre ; si l’on ne retrouve cet instrument ni dans l’esquisse peinte du château de Pau ni dans le carton de tapisserie, il subsiste en revanche dans les deux dessins. Autre caractéristique commune dans ces deux dessins et dans la version de 1787 : le bras gauche d’Henri reste replié, la main sur Le cœur.
On se contentera donc de noter de nombreuses analogies entre le tableau de 1787, tel qu’il nous est connu par la gravure, et les deux dessins [D1] et [D2] ; davantage encore entre les deux dessins eux-mêmes : disposition des personnages à droite, attitude du valet, gestes du roi, etc., même si d’autres analogies rapprochent le dessin [D1] de l’esquisse conservée à Pau. Quant aux particularités de caractère stylistique, la technique (plume, lavis brun rehaussé de gouache blanche sur papier gris-bleu ou gris-vert), à la recherche « [d’]une netteté presque agressive », s’affirme d’abord dans les sujets d’histoire, selon Jean-Pierre Cuzin. Les tracés impeccables de la plume et « le trait de contour [qui] s’impose avec décision » définissent une catégorie « raphaelo-poussinesque » ressortissant à une mentalité « rigoureusement néo-classique1313. Ibid., p. 6-7. », tandis que d’autres œuvres autorisent des sensations plus picturales.
Henri IV et Sully se modèlent ici sur une sévérité pétrie des leçons de l’Antiquité, mais dirigée vers la représentation d’un fait tiré de l’histoire de France dont la tonalité initiale est des plus colorées. La gravité des visages, l’aspect de la civière, la disposition des personnages comme sur une scène placent ce dessin dans un registre radicalement différent de celui du carton et surtout de l’esquisse (un temps attribuée au troubadour Alexandre Évariste Fragonard), agrémentées de costumes chatoyants, d’un arrière-plan de paysage, d’une veine narrative colorée privilégiant une approche anecdotique du bon roi Henri1414. Voir le rapprochement opéré avec les œuvres troubadour par Pupil 1985, p. 371..

1. Fenaille 1907, xviiie siècle, 2e partie, p. 354-361.
2. Vente Vincent, Paris, 17 octobre 1816, « Avis », p. III.
3. Huile sur toile, 142 x 142 cm, inv. 8457, MR 2690, déposé au château de Fontainebleau en 1836 ; Engerand 1901, p. 522-523 ; cat. exp. Pau 1985, no 10, p. 43 et note 7.
4. Huile sur toile, 242 x 193 cm, datée et signée en bas à gauche : Vincent 1786, inv. 8456, dépôt de l’État en 1864 ; Brière 1924, no 294.
5. Landon 1833, t. II, p. 146-147, pl. 82.
6. Huile sur toile, 53,5 x 39 cm, inv. P. 84.7.1 ; cat. exp. Pau 1985, no 10, p. 43-45, et Paris 1986-1987, no 335.
7. Plume, lavis d’encre brune, préparation à la sanguine sur papier blanc, 49 x 33,2 cm ; Paris 1986-1987, no 336 ; Cuzin 1988, no 44. Nous le désignerons par le sigle D1.
8. Nous le désignerons par le sigle D2.
9. Mémoires de Sully 1745, p. 370-374.
10. Cuzin 1988, no 44, et Cuzin 1986, p. 38-39, 43.
11. Cat. exp. Pau 1985, no 10, p. 43-45.
12. New York, Metropolitan Museum, legs Walter C. Baker, inv. 1972.118.236, longtemps attribué à David ; Cuzin 1988, no 47.
13. Ibid., p. 6-7.
14. Voir le rapprochement opéré avec les œuvres troubadour par Pupil 1985, p. 371.
Copyrights

Étapes de publication :
P. Mironneau, Cl. Menges, 11 décembre 2007, rédaction de la notice pour première publication.

Pour citer cet article :
P. Mironneau, Cl. Menges, « Henri IV rencontrant Sully blessé » dans Catalogue des dessins musée national du château de Pau, mis en ligne le 11 décembre 2007. https://dessinsdepau.fr/notice/notice.php?id=55
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