Portrait d’AbdelkaderAttribué à Charles François Adolphe Eynard
Portrait d’Abdelkader
Attribué à Charles François Adolphe Eynard (Genève, 1808 – Gilly, 1876)
Inv. DP. 54.1.9 ; dépôt du musée des Beaux-Arts de Pau, Inv. 1746-96
1848
Crayon, papier épais ivoire
H. 25,1 ; L. 192 cm
Annotations au dos de l’ancien montage, au crayon : portrait d’Abd-el-Kader d’après nature dessiné durant sa détention à Pau par mon père Pierre Schlumberger
Collection Schlumberger : legs Schlumberger au musée des Beaux-Arts de Pau.
Dépôt au château de Pau, 25 février 1954.
Gustave Schlumberger, Mes Souvenirs 1844-1920, Paris, Plon, 1934, t. I.
Paul Mironneau, « Mémoire, légende. Brève anthologie paloise sur la captivité d’Abdelkader »,
in Claude Menges & Paul Mironneau (sous la dir. de), À propos d’Abdelkader, en hommage au plus illustre prisonnier du château de Pau, Pau, éditions du Pin à crochets, 1998, p. 55-59, repr. p. 58.
Cat. exp. Pau 1998, p. 119.
Mironneau et Verdenal 2007, p. 82-84.
À l’issue de sa reddition volontaire au général Lamoricière le 23 décembre 1847 et
après un dur séjour au fort Lamalgue à Toulon, Abdelkader, prisonnier du gouvernement
français en dépit de la parole donnée, fut six mois durant, du 29 avril au 2 novembre
1848, contre son gré, résident du château Henri IV11. Voir également les notices cat. exp. Paris 2003, p. 186-188, et Paul Mironneau,
« Abdelkader au château de Pau », dans Mémoire et destin d’Abdelkader : image et politique (actes de la journée d’étude du 21 juin 2003), à paraître dans le BSACP en 2007. Nous remercions très chaleureusement Ahmed Bouyerdene, qui prépare une thèse
de doctorat sur la captivité d’Abdelkader en France et nous a donné en outre de très
précieuses indications tirées de la correspondance inédite de Charles Eynard.. Dans un parcours aussi riche22. Référence ancienne mais devenue classique, Bernasconi 1971 illustre bien ce silence.
À compléter avec quelques précautions par Beaugé 1998., historiens et iconographes se sont peu attardés sur cette étape pourtant cruciale.
Entre les lithographies publiées avant 1847, dans une décennie de confrontation (qui
parfois se teinte de séduction), et les images de plus en plus nombreuses qui marqueront
le séjour au château d’Amboise, où Abdelkader fut acheminé à son départ de Pau, une
nouvelle iconographie prend naissance. Un artiste amateur suisse qui séjournait aux
Eaux-Bonnes, le Genevois Charles Eynard, neveu du philhellène Jean-Gabriel Eynard
et lui-même fils d’une artiste, Suzanne Élisabeth Eynard-Châtelain, réussit à effectuer
un portrait, passant sur les réticences des autorités françaises. L’homme a réellement
fréquenté l’Émir, qu’il a rencontré dès le 5 mai 1848 ; il lui a offert plusieurs
exemplaires de la Bible traduite en arabe, et longtemps après ces événements, Abdelkader
et Charles Eynard continueront de correspondre et de partager une expérience spirituelle
de grande intensité.
Divers témoignages font allusion à ce portrait. Ainsi le manuscrit de l’archéologue
et artiste (lui aussi amateur) Gustave Houbigant (1790-1862)33. Journal de voyage de Paris aux Eaux-Bonnes (Basses-Pyrénées) en allant par Orléans,
Tours, Poitiers, Bordeaux et Pau ; revenant par Pau, Tarbes, Périgueux, Limoges et
ChâteauRoux, fait en 1841 par M. et Mme Houbigant et Melle Louise Leuillier, Pau, bibliothèque municipale, ms 124 ; voir Bouyssi 1961 et Gaston 1975, p. 256., riche de souvenirs et de curiosités. Le portrait d’Abdelkader y figure sous la forme
d’une petite lithographie découpée et fait l’objet d’un long commentaire44. Manuscrit de Gustave Houbigant (titre complet cité note ci-dessus), p. 99-101.. Eynard, « placé secrètement », selon Houbigant, dans un cabinet voisin de l’appartement
de l’Émir, aurait pris le croquis… Dans ses souvenirs d’enfance, l’historien et numismate
Gustave Schlumberger cite aussi le portrait d’Abdelkader. Or, notre dessin, qui appartient
au fonds Schlumberger du musée des Beaux-Arts de Pau, a été attribué au père de l’historien,
Pierre Schlumberger, sur la foi d’une annotation portée sur un montage aujourd’hui
disparu ; mais ce seul témoignage figuré de l’Emir pour la période paloise coïncide
de trop près avec l’ouvrage de Charles Eynard55. Schlumberger 1934, t. I, n. p.. On sait aussi que les familles Eynard et Schlumberger, ardents protestants d’obédience
darbyste, entretenaient des liens très étroits ; il semble dès lors parfaitement légitime
de formuler une autre hypothèse : le dessin conservé par les Schlumberger pourrait
fort bien être de la main de Charles Eynard. Lithographiée par le Suisse Jules Hébert
(Genève, 1812 – Plainpalais, 1897), qui fut élève d’Ingres (fig. 156 a), il accompagnera
les efforts de son auteur en faveur de la libération du prisonnier injustement retenu.
« Je prends la liberté, écrit Charles Eynard à la fin de sa lettre du 18 avril 1849
à Émile Ollivier, de vous adresser un exemplaire du portrait d’Abd-el-Kader que j’ai
fait faire pour ses amis66. Aire 1900, p. 147.. »
Le modeste mais pénétrant crayon d’un amateur averti jaillit d’un milieu intensément
religieux, frotté d’art et fort cultivé. Il retient les traits de douceur et de bonté qui ont marqué l’auteur et que celui-ci rappelle à plusieurs reprises dans sa correspondance.
Ce n’est pas une œuvre voyante, mais nous lui trouvons une grande élégance.
Artiste cité : Schlumberger (Pierre)
Technique associée : Estampe, illustration
Type de représentation : Portraits
Autre personnage : abd el-Kader
Index géographique et monumental : Pau, château et ville
Étapes de publication :
P. Mironneau, Cl. Menges, 11 décembre 2007, rédaction de la notice pour première publication.
Pour citer cet article :
P. Mironneau, Cl. Menges, « Portrait d’Abdelkader » dans Catalogue des dessins musée national du château de Pau, mis en ligne le 11 décembre 2007. https://dessinsdepau.fr/notice/notice.php?id=156
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais et musée national et domaine du château
de Pau, 2024