Attribué à Pierre Nolasque Bergeret, Huit figures royales et princières pour un jeu de cartes
De l’initiative d’un amateur distingué, Gustave Houbigant (1790-1862), futur maire de Nogent-sur-Oise, dessinateur-graveur et lithographe à ses heures, archéologue passionné, homme de curiosité, naquirent, en 1815, de nouveaux modèles de cartes à jouer consacrées aux rois et reines de France et à leurs meilleurs serviteurs. L’initiative faisait fi de la réglementation qui imposait des figures plus que figées (et jugées « hideuses » par l’entreprenant jeune homme), mais tant de bon esprit monarchique eut tôt fait de fléchir les autorités, adoucies par l’intervention du duc de Berry. On allait célébrer les noces du prince (17 juin 1816), qui en commanda douze douzaines à l’intention de ses invités11. L’épisode est relaté dans une note manuscrite à la plume sur une épreuve de la première édition du jeu Houbigant conservé à la BnF ; Allemagne 1906, t. I, p. 152. Sur la genèse et l’histoire détaillée des différentes éditions des cartes Houbigant, voir l’étude de Thierry Depaulis & Claude Guiard, « Dossier Houbigant », L’As de trèfle, no 31, juillet 1987, p. 5-10..
Plusieurs jeux furent publiés pour lancer ces nouveaux modèles22. IFF, xixe siècle, t. X (Jacques Lethève, Françoise Gardey, 1963), p. 470, nos 2 et 3. Allemagne 1906, t. I, p. 151-153.. Gustave Houbigant se fit même cartier, mais dut bientôt renoncer à son entreprise devant les difficultés financières et le peu de succès des séries qu’il avait inventées. Le premier de ces jeux fut gravé à l’aquatinte par Houbigant lui-même : première édition à compte d’auteur, encore bien maladroite, suivie d’une deuxième, confiée à la veuve Dambrin en 1817 : la gravure (sur cuivre) revint à Jean-Louis Pauquet (1759-vers 1824) et les dessins à Pierre Nolasque Bergeret. Outre l’amélioration substantielle des figures proposées par Houbigant, un important changement intervient alors : Sully, valet de cœur, est remplacé par Crillon. La troisième édition date de fin 1817 et n’est mise en vente qu’en 181833. Aux références précédentes (note 2), ajouter cat. exp. Paris 1966, nos 317-318 (donation Paul Marteau) et catalogue de la vente de Paris, 6 novembre 2004, C. P. Tajan, nos 171 (2e éd. du jeu de Houbigant, Paris, veuve Dambrin) et 172 (poinçons de la 3e éd.). ; Houbigant s’est établi comme cartier à Paris ; la gravure est effectuée initialement sur acier (avec coloriage au pochoir), puis sur cuivre ; on lit sur le bouclier de Roland (valet de trèfle) : Houbigant inv. / Hersent et Bergeret del. / septembre 181844. Gravure sur bois, Pau, musée national du Château, inv. P. 65.10.19 ; Pau 1971, no 371. ; Louis Hersent (1777-1860), sans doute chargé de redessiner les modèles, a donc rejoint Bergeret dans cette entreprise. Un certain Lenormand semble avoir été également associé (pour un ultime remaniement ?) ; le jeu de cartes Houbigant y prend un tour plus populaire. On retrouve ainsi dans plusieurs suites de douze figures de jeu de cartes complétées par leur nom gravé en lettres gothiques (fig. 80-87 a) ou en capitales d’imprimerie les huit personnages historiques représentés sur ces petites vignettes. Les douze figures étaient : Crillon (substitué à Sully), Jeanne d’Albret, Henri IV, Roland, Charlemagne, Hildegarde, Marguerite de Valois, Bayard, François Ier, Joinville, Saint Louis, Blanche de Castille. De 1818 date un dessin original de ces nouvelles cartes provenant des collections de la papeterie Grimaud55. Seguin 1963, no 244. .
Mais, surtout, le musée Paul Dupuy, à Toulouse, conserve une intéressante galerie de douze figures réparties en trois registres (respectivement rois, dames et valets), tracées à la plume et relevées de lavis. Signé de Pierre Nolasque Bergeret, l’ensemble est daté de 181766. Plume et lavis, 1817, 25,9 x 23 cm, Toulouse, musée Paul Dupuy, inv. 65.54.1 ; Toulouse 1971, no 155. (fig. 80-87 b). Six figures portent en outre les initiales du peintres (P. N. B.).
On voit que cette initiative originale donna lieu à plusieurs variantes sur des modèles similaires, mais quelle valeur accorder à la suite de ces très petites vignettes ? S’agit-il de l’un des essais (sans doute sans suite) suscités par cet effort de renouvellement qui ne devait pas réussir ? Rien ne permet en tout cas d’attribuer, comme cela était jusqu’ici proposé, à Christophe Civeton (Paris, 1796-id., 1831), artiste surtout familier des vues du paysage parisien, élève de Bertin et de Ponce, une collaboration de ce type avec l’érudit et inventif Houbigant.
Acquis sur le marché de l’art parisien (comité du 4 juin 1959).
BSACP, no 26, 1965-2, p. 4
Pau 1990, no 17