Henri Bellange, Portraits d’hommes célèbres
Vingt-six portraits d’hommes célèbres choisis pour leur importance, principalement au temps du roi Henri (mais aussi sous Louis XIII ou sous les Valois), dans une série initialement beaucoup plus étendue de miniatures sur vélin, qui, signées ou non, ne laissent pas de doute sur leur unité de conception et de réalisation. Elles proviennent toutes de l’un des trois albums factices ayant appartenu au duc de Sutherland et portant ses armes. Il pourrait s’agir d’une fraction des dessins vendus au duc par Alexandre Lenoir, qui lui-même les aurait acquis pendant la Révolution. Il y eut trois ventes relatives aux collections du duc de Sutherland (1843, 29 mars et 1er avril 1843, et 19 mai 1860). De la dispersion de ce vaste gisement en 1978 à Paris sont également issus, outre un lot important ayant rejoint une collection privée, des enrichissements au profit des musées de Blois, Chambéry, Strasbourg, Angers, Nancy (Musée lorrain), Nantes (musée Dobrée). On note aussi la petite série de sept portraits du musée du Louvre, certains orientés en sens contraire, laissant à penser que plusieurs « éditions » successives ou parallèles auraient pu voir le jour. La mention bellange f. pourrait valoir pour Bellange fils, et les travaux de Paulette Choné en ont rendu la paternité à Henri Bellange, fils du célèbre Jacques Bellange, plutôt qu’à un « hypothétique » Thierry Bellange. Élève de Claude Deruet et peintre engagé au service du duc de Lorraine Charles IV, Henri séjourne en Italie de 1633 à 164311. Jacques Bousquet, Recherches sur le séjour des peintres français à Rome au xviie siècle, Montpellier, Association languedocienne pour la promotion de l’histoire de l’art, 1980, p. 75, 195.. À partir de cette date, il est établi à Paris.
La faveur des séries de portraits dessinés n’a pas disparu, tant s’en faut, au milieu du xviie siècle. Le frère du grand Sully, Philippe de Béthune, eut l’ambition d’en réunir un fonds à caractère historique dont l’exécution fut confiée à l’atelier de Dumonstier ; son fils Hippolyte continua de l’enrichir puis en fit don à Louis XIV en 1662. La commande reçue par Henri Bellange représente elle-même, selon les termes de Jacques Thuillier, « une vaste entreprise d’iconographie, sans doute commande de quelque grand patron », pouvant être rapprochée de celles « de Montcornet pour l’estampe et de Gaignères pour le dessin ». Les portraits « copiés ou adaptés des meilleures sources possibles » devaient représenter « les grandes personnalités de l’histoire, rois, princes, princesses, papes, cardinaux, généraux, ministres, etc., afin d’en constituer de précieux recueils documentaires ». Ils furent exécutés sur vélin, à la pierre noire et à la pointe d’argent, avec rehauts d’or et de sanguine, à des dimensions convenues, puis reliés en grands albums.
Les figures tracées par Bellange fils ne brillent pas par leur originalité ; un rapide examen de quelques-uns des trois cent vingt-sept portraits peints réunis à l’initiative de Paul Ardier, contrôleur des Guerres puis trésorier de l’Épargne, pour constituer la salle des Illustres au château de Beauregard se révèle positif pour un nombre important de personnages énumérés dans notre série, qui s’y trouvent représentés selon les mêmes caractéristiques, souvent empruntées à des œuvres déjà consacrées parmi les plus célèbres. Ainsi le maréchal d’Aumont, qui répond à un antécédent peint identique et dont les caractères rappellent le portrait équestre du musée Condé exécuté dans les dernières années du xvie siècle (huile sur bois, Chantilly, musée Condé, inv. PE 115, collection Lenoir). Le succès des « galeries d’illustres » enracinées dans la tradition humaniste et accommodées au goût français du xviie siècle suscita d’ailleurs plusieurs réalisations importantes, comme celle du château de Selles, en Loir-et-Cher (aujourd’hui disparue), qui aurait servi d’exemple à celle de Beauregard22. Agnès Chablat-Beylot, « L’influence italienne sur les galeries de portraits d’illustres en France au xviie siècle au travers des exemples de Beauregard et de Selles-sur-Cher », Mémoires de la Société des sciences et lettres de Loir-et-Cher, t. LVIII, 2003, p. 105-125.. Les modèles désormais canoniques, confirmés à la même époque dans le domaine de l’estampe, remontent parfois aux Clouet et à leurs collaborateurs, qui se sont imposés à plusieurs générations. À cette lignée s’apparente notre portrait d’Henri d’Albret, dont les détails caractéristiques renvoient à l’un des dessins du musée Condé33. Chantilly, musée Condé, inv. DE MN 48 ; B 44. Citons aussi le dessin du musée de l’Ermitage, inv. 2892.. L’œuvre des Dumonstier aura été mis à contribution – Étienne pour le portrait de Charles de Lorraine, duc de Mayenne44. Paris, BnF, département des Estampes et de la Photographie, Na 24a. D’après ce dessin, le portrait du musée Condé, inv. 9424 / B 2443 / MV 3302., mais surtout Daniel, pour Henri de Lorraine, duc de Mayenne (cat. 12, fig. 12 a), ou Jacques Davy du Perron.
L’arc chronologique très étendu revient aux racines de l’histoire de France, avec les rois, depuis Pharamond et se prolonge jusqu’à Louis XIII présent avec Richelieu dans une collection particulière55. Montréal & Cologne 2002-2003, nos 20 et 21. Voir aussi : vente du 8 mars 1981, Versailles, palais des Congrès, no 33 (« Thierry Bellange ») ; cat. exp. Louis XVII, Paris, mairie du 5e arrondissement, 1987 (« Thierry Bellange »), p. 181, no 2 ; vente Christie’s, Londres, 10 juillet 2001, no 101 (« Henri Bellange »). , dépassant même, avec certains personnages, la fin de ce règne. L’usage de cette vaste collecte ? Ce pourrait être la formation de recueils de référence, localisés dans le cabinet d’un grand, entre Lorraine et France. Dans ce contexte favorable, Henri Bellange semble s’être fait une spécialité, cumulant les avantages précieux de la couleur, ou plutôt de l’enluminure, et ceux d’un support graphique. Pour Sue Welsh Reed (Reed 2000), cette production s’adressait « aux collectionneurs désireux de constituer des séries de portraits historiques moins grandioses que la dispendieuse galerie des Hommes illustres de Richelieu » et pouvait être organisée en albums cartonnés ou en petits livrets. Ce mode de transcription unificateur et simplificateur se conjugue dans nos vélins à de fortes nuances relatives aux générations représentées. Aux visages lisses, figés dans les codes inexpressifs de la miniature, des personnages anciens, succèdent des portraits traçant avec franchise des caractères connus. Avec les contemporains de l’artiste, les recherches de physionomie sont plus poussées et s’ouvrent avec discrétion à de nouvelles notations.
Ancienne collection Duc de Sutherland ; réapparus à Londres en 1978 ; acquis sur le marché de l’art parisien avec la participation par souscription, à hauteur de 50 %, de la Société des amis du château de Pau (arrêté du 12 juillet 1978) ; le portrait du maréchal de Biron (cat. 26) a été acquis en 1982 par don de la Société des amis du château de Pau.
Bulletin de la Société des amis du château de Pau, no 77, 1979, p. 9-26
Paulette Choné, « Jacques Bellange et son fils Henri. Nouveaux documents », Le Pays lorrain, 71, 1990-2, p. 86
Allgemeines Künstler-Lexikon : die bildenden künstler aller Zeiten und Völker, Munich, Saur, 1992-2005, 50 vol., t. VIII (1994), p. 432, notice de Paulette Choné
Jacques Thuillier, « Le groupe Henri Bellange », cat. exp. Rennes 2001, p. 331-333
Pau 1985, nos 22-47