Sully aux pieds d’Henri IV
Le succès d’une comédie mêlée d’ariettes appartenant au Théâtre de Société de Charles Collé (1709-1783) est à l’origine d’une recrudescence de représentations visuelles liées à la légende henricienne. La Partie de chasse de Henri IV de Charles Collé (1709-1783), dont la forme définitive fut fixée en 1764 et dont la première édition parut en 1766, est venue donner sur scène un résumé vivant, sur un ton simple et enjoué, de cette légende en plein essor. De nombreuses compositions, moins fidèles à la lettre de cette source théâtrale qu’à son esprit, s’attachent à l’expression sensible de l’amitié du roi et de son fidèle ministre. À la scène VI de l’acte I, Sully se jette aux pieds d’Henri IV ; les courtisans épient leur dialogue, mais le roi relève son ami, et proteste : « Relevez-vous donc […] ces gens-là qui nous voient […] vont croire que je vous pardonne. »
La suite d’illustrations dessinées par Gravelot pour l’édition de 1766 (Paris, veuve Duchesne et Gueffier, voir cat. 42-45) fait référence. Elle consacre – la plaçant même en frontispice – l’une de ses figures au sujet : cette réconciliation du roi et de son ministre, double geste exemplaire de franchise. Chez Gravelot, dans une riche architecture, Henri IV et son ami ont revêtu le très élégant habit de cour (ou plutôt, s’agissant du roi, l’habit de chasse, en s’en tenant aux didascalies). La base historique de l’anecdote est à vrai dire fort mince ; elle remonte aux Œconomies royales de Sully, mais a subi bien des déformations. L’épisode se situe à Fontainebleau, pour Collé dans la galerie des Réformés, alors que Sully plaçait ce souvenir dans l’allée des Mûriers. Sully se jette aux pieds d’Henri IV à la suite d’un vif échange de propos.
Henri IV relevant Sully fut un thème de prédilection de l’iconographie nationale pendant tout le règne de Louis XVI et, au-delà, dans l’épanouissement de l’art troubadour. Vincent le retient, entre 1783 et 1785, pour l’un des cartons de tapisserie qu’il doit fournir ; des techniques variées jettent leur dévolu sur cette exaltation de l’amitié : terre de Lorraine avec Paul Louis Cyfflé (1769) ou petite sculpture de marbre tendre avec les Rosset (avant 1786).