Cat. 57
Plume, encre et lavis bruns, sur traces de graphite, papier vergé ivoire
H. 33,1 cm ; L. 25,9 cm
Par une attribution de pure hypothèse formulée dès son exposition en 1966, ce dessin apparaissait sous le nom de Pier Francesco Mola (1612-1666), qui travaillait à Rome pour les papes Innocent X et Alexandre VII. Le sujet, en revanche, ne nous semble pas faire de doute.
Le retour d’Henri IV dans le sein de l’Église catholique ne passa pas inaperçu, et les représentations auxquelles il donna lieu ne furent pas inconnues. Un tableau, longtemps attribué à Nicolas Bollery (et dont on suggère plutôt aujourd’hui qu’il pourrait faire partie de la décoration du grand cabinet aménagé au Louvre par Marie de Médicis vers 1613-1614)1, dans le cadre d’une expression française, offre cependant de nombreuses notations italianisantes à l’abjuration de Saint-Denis (25 juillet 1593, fig. 57 a). Mais, aussi présent que soit cet héritage depuis la fin du XVIe siècle, l’empreinte stylistique laissée sur notre dessin s’en dégage irréversiblement. La technique vive, fluide, mais sans beaucoup d’énergie, creusant les reliefs par le seul jeu d’ombres en lavis doux, suggère un dessin français beaucoup plus tardif que les fastes de la Rome baroque. Puis, les costumes, déjà entièrement empruntés à une réécriture pittoresque de l’histoire, semblent plutôt préparer l’éclosion des formules pré-troubadour… Enfin, l’irruption, dans le ciel, de l’allégorie morale s’accorde bien à la renaissance de certaines formes de la peinture religieuse dans l’art du milieu du XVIIIe siècle.
Une comparaison est dès lors possible avec une autre représentation de l’abjuration d’Henri IV conservée au château de Pau2, elle aussi très mal connue (fig. 57 b). Dans cette huile sur toile dont l’attribution à Fragonard avait été rejetée pour être plutôt orientée vers Gabriel François Doyen (1726-1806), Jacques de Laprade lisait l’expression, entre 1758 et 1770, du « nouvel essor » de l’art religieux, notamment à travers de grands travaux de décoration3. Sans nous risquer davantage, soulignons seulement que dessin et tableau présentent une architecture, une composition similaires : la basilique, tracée hâtivement, observe les mêmes lignes, motifs et volumes ; la flexion du genou du roi est identique, la place tenue par les personnages et leurs gestes sont généralement en correspondance, l’animation du ciel a varié mais est prise en compte dès le dessin. Certes, de notables différences descriptives (l’archevêque est assis dans un cas, debout dans l’autre) réservent à de plus substantielles découvertes un rapprochement définitif et l’attribution à un seul et même auteur.
Notes
Auteurs : P. Mironneau, Cl. Menges
© Réunion des musées nationaux – 2007
FIG. 57 a
France, 1er quart du XVIIe siècle
Autrefois attribué à Nicolas Bollery (mort en 1630)
L’Abjuration d’Henri IV
Huile sur toile
Meudon, musée d’Art et d’Histoire, inv. RD 57-1-6
FIG. 57 b
France, 3e quart du XVIIIe siècle
L’Abjuration d’Henri IV
Huile sur toile
Pau, musée national du Château, inv. P. 55.20.1