Cat. 202
1821
Encre et lavis bruns, rehauts de gouache blanche et de gomme arabique, papier crème sombre
H. 22,8 cm ; L. 36 cm
Inscription à l’encre, en bas, sur le montage de papier bleu clair, titre à l’or et à l’encre brune : Henri IV faisant entrer des vivres dans Paris qu’il assiège, et inscription à droite, sous le trait carré : A x Leprince
Signé et daté en bas à droite : a x / Leprince 1821
Le geste de générosité du Béarnais en faveur de ses sujets rebelles qu’il ravitaille est une création voltairienne, même si l’on signale plutôt, y compris chez les auteurs les plus élogieux, comme Sully, l’indulgence du roi devant les entorses faites au blocus de la capitale. C’est bien La Henriade qui reconstitue l’événement imaginaire :
Quel est de ces mourants l’étonnement extrême !
Leur cruel ennemi vient les nourrir lui-même.
(X, 369-370)
Mais ici, en pleine expansion de la propagande en faveur des Bourbons restaurés, le ravitaillement de Paris devient une entreprise considérable, déployant une impressionnante logistique !
À partir d’un épisode d’autant plus incertain qu’inventé pour ainsi dire de toutes pièces, mais s’appuyant désormais sur un texte faisant référence et tenant à la fois de l’histoire et de la poésie, la génération qui évolue dans le climat troubadour et romantique construit une histoire parallèle moins concise, une prose narrative, descriptive, revendiquant pleinement sa valeur pittoresque, parfaitement étrangère aux froideurs et aux jeux d’allégorie de La Henriade telle que Voltaire l’avait voulue. Ces chariots, ce va-et-vient de cavaliers, la cohue qui se sont rajoutés s’inscrivent déjà dans la disposition d’une scène de drame romantique.
Autre initiative prise en marge du texte, la place d’un paysage urbain, rapproché mais sombre, hérissé de tours comme d’autant de piques d’une armée hostile, où les formes médiévales, gothiques, se sont imposées. En la matière, c’est tout l’héritage politique et mental du siège de Paris, depuis ses plus anciennes représentations (ainsi dans les divers cycles et séries de peintures biographiques et militaires du début du XVIIe siècle), qui resurgit avec les moyens d’une nouvelle énergie dramatique. Paysagiste, collaborateur des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France du baron Taylor (volumes sur la Normandie et la Franche-Comté), auteur de scènes de genre de grand raffinement (L’Atelier de l’artiste, Salon de 1827), Auguste Xavier Leprince s’inspire avec bonheur des écoles du Nord ; Sylvain Boyer dénote dans « les détails pittoresques et l’anecdote savoureuse » familières à sa production « une étroite parenté avec les créations de Louis-Léopold Boilly1 ». Artiste brillant venu d’une famille d’artistes (il est le frère de Robert Léopold Leprince) et disparu trop jeune, il est aussi, comme illustrateur, l’un de ceux qui ont contribué, sous la Restauration, par de petites figures très narratives dans des éditions de petit format, à favoriser une lecture nouvelle, moins pompeuse, du poème épique de Voltaire.
Note
Auteurs : P. Mironneau, Cl. Menges
© Réunion des musées nationaux – 2007