Cat. 165
Vers 1851
Plume, encre noire, lavis noir et gris, rehauts de blanc, crayon graphite et estompe, papier fort ivoire
H. 20,7 cm ; L. 13,4 cm
Titre en bas au milieu, au crayon : Vive Henri IV
Cachet de collection à l’encre rouge, au recto, en bas au milieu, de Victor Déséglise (Lugt & Lugt, suppl., no 356)
Signé en bas à gauche : A. Hadamard del.
Henri IV chez le meunier Michau
Henri IV et Gabrielle, dans un intérieur soigneusement arrangé selon le style supposé de leur époque, échangent des mots doux, loin des travaux guerriers que seuls dénotent les armes et le panache du roi, posés sur une chaise, ainsi que l’étendard portant les mots de MONTJOIE // [SAINT] D[EN]YS, comme en réponse au très bourgeois rideau à droite de la pièce. Le registre inférieur fait surgir ce « diable à quatre » au cœur de la mêlée… Des trois « talents » « de boire, de battre et d’être un vert galant » que lui reconnaît la célèbre chanson Vive Henri IV, le troisième est le plus voyant ; le premier, le plus discret, disparaîtrait entièrement sans la bouteille et la coupe disposées en cul-de-lampe au bas de l’image. Sommant le tout, la mémorable poule au pot ! Le dessin composé par Hadamard pour l’une des planches devant illustrer les Chansons nationales et populaires de la France de Dumersan et Ségur (1851)1 (fig. 165 a) parvient à rassembler tous ces éléments caractéristiques d’un Henri IV incarnant les divers tempéraments de la chanson française : amoureux, martial et bachique. Image unique et soignée, là où Steinheil répartissait la matière en autant de dessins que de pièces historiquement liées au Béarnais : Vive Henri IV, Charmante Gabrielle, Viens Aurore, pour les Chants et chansons populaires de la France (1843), la plus connue des grandes anthologies chansonnières de ce milieu du XIXe siècle2. Ornée de quarante-sept planches et d’un frontispice exécutés sur acier par Charles Geoffroy (1819-1882), Léon Lefrancq, Chamson d’après Hadamard, mais aussi Gavarni ou Traviès, l’anthologie de Dumersan et Ségur s’en démarque par davantage de sobriété, mais une plus grande précision d’analyse.
Auguste Hadamard, qui fut élève de Paul Delaroche, exposa au Salon à partir de 1846 et jusqu’en 1885, en tant que peintre. Ses tableaux privilégient la scène de genre à teinture historicisante ; parmi les meilleurs d’entre eux, l’un de ses premiers envois au Salon (1847, no 794), Cérémonie de la Pâque dans une famille juive de rite allemand, à la fin du XVIIe siècle, révèle un contenu plus dense sous le rapport de l’histoire. Dans son importante activité d’illustrateur, il se montre plus étroitement fidèle à la pratique des dessinateurs romantiques. L’histoire, sous sa forme vulgarisée, lui convient spécialement, avec notamment les volumes de la comtesse Drohojowska : Les Reines illustres (1858), L’Europe au Moyen Age (1858) ou Les Grands Connétables (1860) publiés par Magnin et Blanchard. Cette aptitude à suivre une approche didactique et simplifiée s’épanouit naturellement dans la présente image, consacrant dans la chanson un art réputé populaire tout imprégné d’histoire et de réminiscences littéraires.
S’il manque ici d’originalité (les emprunts à l’illustration de Charmante Gabrielle et Vive Henri IV dans les Chants et chansons populaires de la France sont nombreux – fig. 165 b), Hadamard s’attache avec soin à redisposer toute une classique ornementation, dans le sillage de la peinture historiciste, amie des intérieurs chargés de détails réputés tout à la fois caractéristiques et pittoresques.
Notes
Auteurs : P. Mironneau, Cl. Menges
© Réunion des musées nationaux – 2007
FIG. 165 a
Charles Geoffroy (1819-1882)
D’après Auguste Hadamard
Vive Henri IV
Gravure sur acier
Chansons nationales et populaires de la France Paris, 1851
Pau, musée national du Château, inv. P. 1625
FIG. 165 b
Jean Denis Nargeot (1795 – après 1865)
D’après Louis Charles Auguste Steinheil (1814-1885)
Charmante Gabrielle
Eau-forte
Chants et chansons populaires de la France, Paris, Delloye, 1843
Pau, musée national du Château, inv. P. 969